Ce qui sépare le malheur du bonheur
Le malheur des uns fait le bonheur des autres, dit-on. Ce dicton trouve une application dans la dégringolade des prix du pétrole sur le marché international. Le président US, avec ses déclarations tonitruantes, accentue une impression d’un retour aux prix décevants des années précédant la covid-19. De fait, le malheur des pays producteurs qui devront revoir leur rythme des dépenses fait le bonheur des pays consommateurs, tout contents d’offrir à leur société une petite lucarne d’espoir, même si celle-ci est fictive. Et pour cause, tous les économistes savent que ce n’est pas la baisse du prix du brut qui participe à booster l’économie mondiale, mais plutôt le contraire. C’est le dynamisme des principales poches de croissance qui provoque la hausse de l’or noir sur les places boursières internationales.
N’y a-t-il donc pas d’heureux dans ce qui arrive au pétrole ? Forcément oui, puisque une telle perspective sur les hydrocarbures implique systématiquement un problème financier dans les grands pays producteurs. En effet, la chute des prix impacte directement leurs budgets nationaux, qui dépendent souvent des revenus pétroliers pour financer des services publics et des infrastructures. Ces pays, en déséquilibre face à des dépenses fixes et une baisse de revenus, se retrouvent dans une position délicate, souvent forcés d’adopter des mesures d’austérité qui peuvent exacerber le mécontentement social.
Ce sont donc ceux qui gagneraient à un chamboulement politique dans les pays producteurs de pétrole qui ne manqueront pas d’être heureux à chaque dollar de moins dans le prix du baril. Dans le lot de pays qui pourraient souffrir d’une déprime du marché, il y a l’Iran, la Russie et le Venezuela, trois nations qui ont connu de terribles tentatives de déstabilisation par l’Occident. Leur poids financier, qu’ils tiennent en partie du pétrole, a permis à ces pays de déjouer les plans d’ « invasion » préconisés par un Occident de plus en plus arrogant.
Mais les vents de la géopolitique obligent cet Occident à revoir ses plans. La guerre en Ukraine aura fourni assez d’indices sur une faiblesse désormais structurelle dans la carapace otanienne. Les sanctions économiques contre la Russie, par exemple, ont mis en lumière la dépendance des pays européens vis-à-vis des ressources énergétiques, tout en révélant la résilience de Moscou face à ces pressions. La montée de la Chine, avec notamment le fameux DeepSeek qui lui confère une avance sérieuse sur le reste du monde en matière d’intelligence artificielle, renvoie au second plan l’arme financière via les prix du pétrole.
Cela pour dire que les effets de cette situation se ressentiront bien au-delà des frontières des pays producteurs et consommateurs, modelant un nouvel ordre mondial où chaque acteur devra naviguer avec prudence dans un environnement en pleine mutation. Au final, le malheur des uns pourrait engendrer des opportunités pour d’autres, mais à quel prix ?
Par Nabil.G