La liberté s’arrache et se cultive
La liberté de la presse est censée ne pas être un luxe. Elle est comprise comme ce fil qui retie ensemble la vie démocratique et le droit des citoyens à comprendre le monde. En ce 22 octobre, journée nationale de la presse, les professionnels fêtent la naissance du premier journal algérien. Ils fêtent, dans le même temps, le combat de leur aînés pour l’indépendance du pays. La presse était d’un apport conséquent dans l’éveil du sentiment nationaliste. Tout cela est vrai et doit être la norme, sauf que le paysage médiatique est aujourd’hui plus complexe que jamais.
En Algérie comme ailleurs, l’influence des réseaux sociaux est omniprésente. L’accès immédiat à l’information peut être un vecteur d’émancipation, mais il peut aussi devenir un levier d’ingérence si les contenus sont instrumentalisés. Les forces occultes, qui savent exploiter les fragilités sociales et les désaccords, n’ont pas abandonné l’ancienne logique du renseignement. Elles transforment l’information en arme, le récit en blindage, et l’opinion publique en cible mouvante. Dans ce cadre, le professionnalisme journalistique devient une ligne de front. Vérification, transparence des sources, séparation claire entre analyse et opinion, retenue dans la dramatisation, et respect des droits humains même lorsque les faits déplaisent sont autant de balises que pas mal de forces malfaisantes piétinent allègrement.
La question de l’intérêt national ne peut se réduire à une injonction de propagande ou à un aplomb sécuritaire. Servir l’intérêt de la nation, c’est d’abord protéger les libertés essentielles qui fondent cette même nation. C’est assurer que les citoyens puissent se faire une opinion éclairée sur les décisions collectives. Cela suppose une presse qui refuse les dérives du sensationnalisme et qui prend une posture de grande vigilance face aux professionnels de la «guerre hybride». En effet, dans ce genre de conflits, l’information est un système d’armes à part entière, au même titre que les missiles. La différence majeure réside dans le fait que les dégâts de la propagande pénètrent durablement, affaiblissent les tissus sociaux, fragilisent les institutions et tuent la confiance. D’où l’impératif d’un journalisme qui ne se contente pas de rapporter des faits, mais qui les désosse méthodiquement, montre les fils qui les relient et révèle les manipulations.
Pour que cette mission soit durable, elle doit s’appuyer sur des institutions fortes et des pratiques professionnelles robustes. Il faut encourager la diversité d’opinion, car la diversité des voix est une richesse. Mais elle ne doit en aucun cas devenir un miroir déformant de la société. L’éducation aux médias mérite d’être une composante essentielle de la citoyenneté. C’est une donne incontournable pour que la liberté d’informer serve les intérêts de la nation.
Nabil.G