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Révélation d’un historien français sur les archives de la période coloniale:
«Le blocage est le fait de cercles dans l’armée»

«Encore aujourd’hui, il y a dans l’armée française des forces qui s’opposent à la reconnaissance et à la vérité sur cette page de notre passé. C’est de là que vient le blocage».

L’historien français, Gilles Manceron, a fait, hier, une révélation de taille, encore jamais rendue publique sur les archives coloniales détenues par la France. Il a affirmé dans un entretien accordé à l’Aps que des forces au sein de l’armée française sont derrière le blocage. Selon l’historien, il existe aujourd’hui une bataille menée par de nombreux historiens, archivistes et juristes pour s’ériger contre ceux qui «veulent empêcher la libre communication des archives, prévue par la loi, au prétexte d’un processus complexe de +déclassification+, document par document, par les institutions qui les ont émis, c’est-à-dire le plus souvent l’armée». Cette révélation a de quoi susciter des interrogations et mettre le président Français, chef suprême des forces armées, devant ses responsabilités devant sa nation et l’Histoire. M.Manceron persiste et signe sur le fait qu’ «encore aujourd’hui, il y a dans l’armée française des forces qui s’opposent à la reconnaissance et à la vérité sur cette page de notre passé. C’est de là que vient le blocage». Ce genre d’affirmations sorties de la bouche d’un historien valent leur pesant d’objectivité et mettent en accusation le commandement de l’armée. Celui-ci remonte jusqu’au chef de l’Etat.
Gilles Manceron, a aussi sérieusement brocardé la présidence de la République française sur son attitude vis à vis des méfaits de la colonisation. Le chercheur en histoire, bien connu pour ses ouvrages et son érudition, estime que le refus de repentance et d’excuses de la France envers l’Algérie est inquiétant en soi. Cette réaction cinglante et tout aussi lourde de sens sur la mémoire de tout le peuple français, justifie selon son auteur une attitude plus proche de la réalité historique. La France doit «formuler des excuses», à l’Algérie insiste M. Manceron.
L’historien français qui commentait le tweet de la présidence de la République française, juste après la remise du rapport de Stora, dans lequel, il est mentionné que «des actes symboliques sont prévus, mais ni repentance, ni excuses», a affirmé dans un entretien à l’Aps que la sortie de l’Elysée «laisse présager une reprise très partielle du rapport, accompagnée de propos qui donneraient des gages aux nostalgiques de la colonisation». Pour M.Manceron «cela est à suivre de près, car l’important, ce n’est pas le rapport, mais les conclusions que le Président (Macron) va en tirer». C’est bien ce même président qui a qualifié la colonisation de crime contre l’humanité et formulé par la suite quelques signaux plutôt confus. Est-ce à dire que tout n’a pas encore été dit sur la posture du président Macron vis à vis su conflit mémoriel avec l’Algérie ? En tout cas, ce déni historique n’est pas nouveau dans la bouche d’un président français. Le «refus de la repentance a été utilisé en France, notamment par Nicolas Sarkozy et ceux qui soutenaient sa présidence, comme un moyen de refuser la reconnaissance des crimes de la colonisation et de dire la vérité à leur sujet», soutient M. Manceron, qui a également souligné que «la presque totalité des historiens, en France comme en Algérie, demandent une reconnaissance et un discours de vérité». Un fait donc objectif qui renvoie à une réalité historique vécue et très bien documentée. M.Manceront retient à ce propos que lesdits historiens «écartent le terme de repentance, qui est une arme dans les mains des ennemis de la reconnaissance et de la vérité, un épouvantail qu’ils agitent pour les écarter».
On retiendra néanmoins qu’ «en ce qui concerne l’idée d’excuses au nom des institutions de la France pour ce qu’elles ont commis dans le passé, cela me semble différent. Il faudra, à mon avis, que la France officielle vienne à un moment à formuler des excuses, mais l’important aujourd’hui est de faire avancer dans l’opinion l’idée qu’il faut une reconnaissance et un travail de vérité». Sur le délicat dossier de la torture pratiquée durant la colonisation en Algérie, l’historien a indiqué qu’il existe une réelle avancée, rappelant l’importante déclaration du président français en septembre 2018 «quand il avait rendu visite à la veuve du chahid Maurice Audin, torturé et assassiné par des militaires français, en lui demandant pardon au nom de la France et en disant que cette pratique de la torture suivie d’exécutions sommaires était alors systématique». Et d’ajouter : «Mais il s’est arrêté là. Il aurait dû présenter les mêmes excuses au nom de la France à Malika Boumendjel, la veuve d’Ali Boumendjel, malheureusement décédée il y a peu sans les avoir reçues, comme le dit aujourd’hui sa nièce, Fadhila Chitour-Boumendjel», notant ainsi qu’ «il reste beaucoup à faire de la part de la France officielle, pour les victimes connues comme pour les milliers d’autres que le site 1000autres.org essaie de sortir du silence et de l’oubli». Toutefois, l’historien a rappelé que «d’autres personnalités algériennes ont été torturées et assassinées au même moment, lors de la Bataille d’Alger», citant entre autres le président de l’Association des Oulémas algériens, Larbi Tebessi, «qui suscitait, dès les années 1930, l’enthousiasme des Algériens par ses déclarations en faveur d’une Algérie libre du joug colonial où tous ses habitants auraient leur place, quelles que soient leur origine et leur religion».
Rappelant que «des parachutistes français avaient enlevé Larbi Tébessi à son domicile à Alger, le 4 avril 1957 et qu’il n’y eut plus jamais de nouvelles de lui», M. Manceron a estimé que «la famille de cette personnalité musulmane doit recevoir, elle aussi, les excuses de la France».
Yahia Bourit

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