Oran

L’habitat précaire s’impose sordidement à Mers El Kébir:
Les habitants du bidonville Bastiane interpellent le wali d’Oran

Constitué d’une trentaine d’habitations rudimentaires et s’étendant sur une superficie en contrebas du lieudit « sardina », le hameau baptisé par la vox populi « Bastiane » en référence au ru qui le traverse de part en part, illustre lamentablement le répugnant habitat précaire.

Pour y accéder, on doit emprunter un petit sentier en terre battue, dissimulé par d’abondants feuillages d’arbres, qui longe en amont une rigole d’eaux usées, véritable source de maladies où se reproduit une diversité d’espèces d’insectes, plus particulièrement en cette période de pandémie du Covid-19, et en aval l’oued Bastien où se lovent toutes sortes de reptiles. C’est également le lieu où viennent s’abreuver, à la tombée du soir, des meutes de sangliers. L’odorat est agressé par la puanteur insupportable émanant notamment des eaux usées mélangées à l’eau noircie de cette petite rivière qui charrie des détritus et sort de son lit chaque hiver pour envahir les petites habitations. Dans un passé récent, les forts effluves qui provenaient de la briqueterie, aujourd’hui squattée par des familles sinistrées, surplombant ce hameau, ajoutaient leur grain de sel en embaumant encore un plus l’air. L’étroitesse de la piste qui permet d’accéder à ces lieux est inaccessible à n’importe quel véhicule et rend ainsi une évacuation d’urgence quasiment impossible pour une ambulance. Un unique poteau électrique éclaire une infime zone où les maisonnettes sont blotties les unes contre les autres, accrochées de part et d’autre du ru Bastien à de petits monticules de terres humides, qui risquent à tout moment de s’effondrer. De vulgaires planches en bois sont disposées transversalement pour permettre de passer de l’une ou l’autre rive. Selon les informations recueillies, un peu plus d’une année auparavant, une septuagénaire, dont le domicile se trouve juste sous la briqueterie, a succombé à une fibrose, après une longue maladie et ce, suite à l’inhalation, des années durant, des fortes émanations de cuisson du ciment et de la chaux, nécessaires à la confection de la brique. «Elle était la doyenne du hameau. Sur son lit de mort, elle a vivement souhaité que ses enfants et ses petits-enfants soient enfin relogés afin qu’ils n’endurent pas le calvaire qui a meublé l’essentiel de sa vie depuis son installation dans ce répugnant bourg. Nous sommes malheureusement tous en sursis, plus particulièrement nos enfants. Presque tous les habitants sont, en effet, atteints d’infections respiratoires en raison des exhalaisons putrides qui se dégagent des eaux de la rivière», a fait remarquer avec amertume et répulsion un habitant demeurant depuis cinq décennies dans une habitation dont une grande partie du toit s’était effondrée. « Les précédentes autorités locales n’ont pas honoré leurs engagements alors que des assurances ont été données à nos représentants pour notre relogement » s’est encore indigné notre interlocuteur avant de renchérir « nous revendiquons nos droits et nous ne baisserons pas les bras jusqu’à la satisfaction de nos doléances. Tout ce que nous réclamons c’est d’être intégrés dans le prochain quota de logements. A notre humble avis nous méritons au même titre que les autres familles sinistrées d’être relogés. D’autres habitants ont tenu à souligner «à la veille de chaque campagne électorale pour les législatives particulièrement, on nous fait miroiter la possibilité d’être relogés dans le but évident de nous convaincre à donner nos voix. Puis, plus rien. On nous oublie carrément jusqu’aux prochaines élections. Nous sommes las des promesses qui n’ont jamais été tenues».
Il convient de rappeler que dans ce bourg, qui a été recensé en 2007, puis en 2008, les pistes serpentant entre les habitations se transforment, durant la période des pluies, en de véritables marécages à la faveur du débordement de l’oued Bastien. «Nos enfants doivent patauger dans la boue, qui atteint leurs mollets, pour se rendre à leur école», s’est insurgée avec un mélange de sidération et de colère une mère de famille. «Un enfant de 14 ans, s’est noyé, emporté par les eaux en crue de la rivière, en 2017 en se rendant à son école tôt le matin pour se présenter aux examens de la sixième», ont évoqué avec une grande tristesse nos interlocuteurs. La trentaine de familles, qui tentent d’y survivre depuis cinq décennies, sont toutes issues de couches sociales très modestes et trouvent d’énormes difficultés à joindre les deux bouts. Les responsables de familles sont en général des smicards dont certains ne subsistent que grâce à une pension de retraite. En revanche, toutes ces familles disposent, chacune, de documents en bonne et due forme, attestant la conformité et autorisant à l’époque la construction de leur habitation. «Ces documents prouvent au moins que nous existons», a ironisé un habitant avant de renchérir «nous vivons à l’âge de pierre et les hommes des cavernes ne nous envient certainement pas ». Notons que le hameau Bastien est sorti de l’anonymat près de trois années plus tôt à la faveur d’une protesta, qui a failli basculer vers l’irréparable, orchestrée par ses habitants pour exprimer leur ras le bol et attirer l’attention des autorités sur leur situation de déliquescence. Signalons aussi que les habitants de ce hameau ont également souligné qu’ils ont usé de tous les droits que leur confère la loi et interpellent une fois de plus le wali d’Oran. Et dans ce morbide contexte, il faut savoir que la municipalité de Mers El Kébir ne dispose que de 32 logements sociaux, réalisés un peu plus de 10 ans auparavant, qui se trouvent dans un état de détérioration. La forte demande des postulants au relogement a , à chaque fois, été à l’origine du report de la distribution.
Rachid Boutlélis

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