Le recul de la valeur du travail et du rendement
On se souvient que même un ancien chef du gouvernement avait un jour ironisé sur la perception de la valeur du travail par bon nombre de citoyens. Il avait en effet déclaré, comme bien d’autres mauvaises langues, que « l’Algérien dit rarement je vais travailler », mais préfère plutôt dire « je vais au travail ». Ce serait là, estiment bon nombre un signe de la dévalorisation du travail et de ses valeurs productives de richesse. Un indice, perceptible dans presque tous les secteurs d’activités, d’une certaine culture du renoncement à l’effort et à la rationalité.
Mais bien plus grave que la «paresse» ou le goût du « farniente » pouvant être nourri par le soleil, la chaleur ou le climat radieux, cette tendance à fuir le travail et l’effort requis au quotidien serait, selon des observateurs, une sorte d’héritage acquis après des décennies d’errements, de tâtonnements et de laxisme ambiant dans la gestion des affaires locales à travers les communes. La politique de l’emploi menée par l’ancien mode de gouvernance n’a pas été axée en priorité sur la création de nouveaux postes de travail durables, mais plutôt sur «l’insertion et les placements» de jeunes chômeurs dans les rouages de diverses administrations et organismes publics. La fameuse opération de construction de «100 locaux commerciaux par commune» a également eu pour effet de détourner les jeunes chômeurs des travaux manuels proposés dans le secteur agricole et industriel.
On se souvient, il y a une quinzaine d’années, de ces journées d’études organisées à Oran consacrées au Contrat de travail aidé (CTA) et au Contrat formation insertion (CFI), durant lesquelles les animateurs concernés ont indiqué que «plus de 10.000 placements ont été réalisés en moins de six mois au niveau de la wilaya d’Oran». Depuis longtemp on sait que bon nombre de ces jeunes chômeurs « insérés » dans ces présumés postes d’emploi offerts dans les administrations publiques, notamment dans les mairies, ne « pointent » parfois, au mieux qu’une à deux heures par jour, le temps de se « faire voir » et de sauver les apparences. Le reste de leur temps est consacré aux « affaires personnelles » ou à une activité commerciale informelle menée parallèlement.
Fatalement, ceux qui vont au travail, non pas pour travailler mais pour « pointer » et repartir, accentuent la contagion et le marasme de ceux qui sont dans l’obligation de rester à leur postes de travail. L’aide à l’insertion des jeunes chômeurs, par le biais des dispositifs de l’Anem, de l’Ansej et des fameux locaux communaux réservés aux jeunes artisans, a montré toutes ses limites et ses imperfections. A Oran, la hideuse bâtisse de l’emploi des jeunes construite il y a une dizaine d’années au milieu des bâtiments de la cité Hlm/usto, abrite des activités telles que la vente de CD et de paraboles, de « mise à jour des démo », et d’autres créneaux sans aucun rapport avec la production de biens et de services par le travail et le rendement.
Une preuve, s’il le fallait, de la faillite de l’ancien système de gouvernance installé sur le culte des mensonges et l’éloge des tâtonnements…
Par S.Benali