Région

Tizi-Ouzou / incendies:
Accompagner la régénération des vergers en évitant les erreurs

Un mois après les incendies qui ont embrasé une cinquantaine de communes de la wilaya de Tizi-Ouzou, faisant des dizaines de morts et détruisant des dizaines de milliers d’hectares d’arbres fruitiers et de forêts, les populations se relèvent doucement du sinistre et pensent déjà à régénérer leurs vergers brûlés.

La vie doit continuer malgré le drame», affirment les habitants des villages sinistrés, qui ont hâte de voir la noirceur environnante céder sa place à la verdure qui peignait, jadis, les beaux paysages de la wilaya. Un vaste élan de solidarité pour la reconstitution des vergers arboricoles fruitiers (notamment les oliveraies) partis en fumée est né et de nombreux citoyens, pépiniéristes, associations et autres, de Tizi-Ouzou et d’autres wilayas du pays, veulent participer à cette démarche, qui toutefois «ne doit être menée n’importe comment, afin d’éviter de commettre des erreurs qui pourraient compromettre cette régénération», avertissent des experts.

Pour constater de visu l’état réel des vergers oléicoles, des membres du Conseil national interprofessionnel de la filière oléicole (CNIF-Oléicole), en collaboration avec la direction de Tizi-Ouzou des services agricoles, de la chambre d’agriculture de wilaya et de la conservation locale des forêts, se sont déplacés, en ce début de semaine, sur le terrain afin d’arrêter les mesures urgentes à engager et donner des orientations pour la régénération (naturelle, assistée ou plantation) des oliveraies. C’est par un recueillement au cimetière du village Ikhlidjen (Larbaa n’Ath Irathen) à la mémoire des victimes mortes en luttant contre les flammes pour sauver leurs concitoyens, que la visite a été entamée. Les villageois se préparaient à enterrer la 20eme victime des incendies (5ème membre décédé de la famille Abdiche), morte des suites de ses brûlures, a-t-on appris sur place. A proximité du cimetière aménagé suite au sinistre pour y enterrer les victimes mortes dans les feux qui ont ravagé le village, des plants d’oliviers attendent d’être mis en terre, deux arbustes ont été plantés à proximité de la fontaine en bord de route, contrastant avec le paysage composé de centaines d’arbres cramés.

«Ce n’est pas le moment pour planter», a lancé l’inspecteur phytosanitaire à la DSA, Kaci Boukhalfa. Selon lui, il faut attendre la saison des pluies, entre octobre et novembre, pour réussir l’opération en choisissant des plants jeunes de deux ou trois ans maximum. C’est aussi à partir de cette même période que l’oléiculteur saura comment mener la taille de régénération, lorsqu’il y aura des repousses, il n’aura qu’à couper les branches sèches et choisir celles qu’il veut garder en évitant de garder les rejets qui montent des racines, car il s’agit de futurs oléastres et non d’oliviers, a-t-il expliqué. A ce propos, le maître-tailleur Arezki Makhmoukhe, riche d’une expérience de plus de 40 ans, a observé lors d’une démonstration sur un olivier léché par les feux et qui a déjà commencé à donner de nouvelles feuilles, qu’il faut tailler à un mètre ou deux, au-dessus du point de greffage pour avoir un olivier. «Si on coupe en dessous du point de greffage de l’arbre, on aura un oléastre qu’il faudra greffer ce qui représentera une perte de temps supplémentaire à l’agriculteur», a-t-il signalé.

La délégation d’experts a visité des oliveraies brûlées de Larbaa n’Ath Irathen, Ain El Hammam et Bouzeguène, pour constater les dégâts et proposer des solutions pour la relance de la culture oléicole. Le président du CNIF-oléicole Mhamed Belasla a souligné avec insistance l’importance de «laisser la nature réagir après l’incendie et voir comment les arbres se comportent afin de décider des actions à mener, car tailler actuellement pourrait nuire à la reprise des oliviers dont les racines sont encore saines», a-t-il dit.

«Le plus important pour le moment est de réaliser des gabions et des fascines pour protéger le sol de l’érosion, ainsi que des retenues collinaires pour faire face non seulement aux feux de forêts, mais aussi à la sécheresse. Pour nous, la plantation doit intervenir en dernier. Cette mesure doit être précédée par la régénération et le greffage», a-t-il dit.

Préserver les variétés adaptées à la région

L’expert oléicole Mahmoud Mendil, qui a participé à cette sortie, a indiqué lui aussi qu’il est important de respecter les variétés adaptées à la région où l’on veut mener une opération de plantation. «Nous sommes en zone de montagne et une variété de plaines ne peut être adaptée aux conditions d’une région montagneuse», a-t-il souligné. Le même expert oléicole a même conseillé de procéder au greffage des oléastres dans les régions où cela est possible, afin d’avoir des oliviers vigoureux qui entreront en production rapidement. L’inspecteur phytosanitaire, Boukhalfa Kaci a insisté, pour sa part, sur l’importance de préserver le patrimoine génétique oléicole local, appelant les oléiculteurs à ne pas introduire de variétés étrangères à la wilaya. Il a rappelé que la variété dominante à Tizi-Ouzou est la «Chamlal», qui est adaptée au terroir montagneux de la wilaya étant résistante à la sécheresse, aux fortes chaleurs et au froid. «C’est une variété qui a fait ses preuves et il faut éviter d’introduire de nouvelles variétés», a-t-il dit. Il a aussi mis en garde contre le risque d’introduction de maladies. Tout en saluant les initiatives visant à contribuer à la campagne de plantation par des dons de plants, M.Kaci a averti contre les dangers des plants non certifiés par des organismes spécialisés dont le Centre national de contrôle et de certification.

«Il faut impérativement utiliser de plants certifiés pour éviter d’introduire des maladies telles que la tuberculose qui affecte la qualité de l’huile d’olive ou, pire, des maladies bactériennes qui n’ont pas de traitement à l’exemple de la dangereuses Xylella fastidiosa qui a déjà ravagé des oliveraies entières dans certains pays européens», a-t-il souligné. Le président du CNIF Oléicole a souligné, lors de cette visite de travail, l’importance d’observer les bonnes pratiques agricoles, de préserver la variété oléicole locale (la Chamlal), dans cette démarche de reconstitution des vergers brûlés, afin de pouvoir relancer la filière et entrer en production, dans les zone brûlées, dans les trois prochaines années.

 

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