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Clôture éclatante du Festival d’Oran du film Arabe : le cinéma arabe en pleine renaissance

Le rideau est tombé sur la 13e édition du Festival international du film arabe d’Oran mercredi soir, mais son éclat continue de rayonner sur la ville. Durant une semaine, la capitale de l’Ouest algérien s’est transformée en vitrine du cinéma arabe contemporain, entre émotions, débats et célébration d’un art en pleine renaissance.

La soirée de clôture, tenue au Centre des conventions Mohamed-Benahmed,a scellé cette édition 2025 par une cérémonie fastueuse, mêlant hommage, émotion et reconnaissance du talent arabe dans toute sa diversité.
La clôture s’est tenue en présence de la ministre de la culture et des Arts , Malika Bendouda , qui a souligné dans son allocution que «la présence de grandes figures du cinéma arabe et algérien a conféré à cette édition une dimension humaine et culturelle profonde, redonnant à cet événement cinématographique majeur toute sa place comme espace de rencontre et de dialogue entre les visions et les expériences artistiques», ajoutant «je me réjouis de voir, en parallèle, les invités du Salon international du livre d’Alger faire escale à Oran, transformant ainsi l’action culturelle dans notre pays en une mosaïque de rencontres, d’échanges, d’inspiration et de beauté».

Un palmarès au souffle humaniste

Le prestigieux Wihr d’or du meilleur long métrage a été décerné à Adam, du réalisateur irakien Oday Rashid, une œuvre poignante sur la résilience et la dignité face au chaos. Le jury a salué la précision narrative et la sensibilité d’un film qui redonne au cinéma irakien une voix forte, porteuse d’humanité. Le Wihr d’argent est revenu au long métrage égyptien La Colonie, de Mohamed Rachad, pour sa lecture percutante des rapports de domination et des faux-semblants de liberté. Quant au Wihr de bronze, il a distingué Samia, du cinéaste somalien Yassine Chamdirli, récit lumineux sur une femme en lutte contre les traditions et l’exil. Ces récompenses traduisent une même volonté: celle de donner au cinéma arabe un visage pluriel, ancré dans les réalités sociales, mais tourné vers la modernité. Dans la catégorie documentaire, le jury a consacré Abou Zaabal 89, du réalisateur égyptien Bassam Mortada, qui revisite un drame social longtemps enfoui : le massacre d’ouvriers survenu en Égypte à la fin des années 1980. Par son approche rigoureuse et son intensité émotionnelle, le film a rappelé le rôle essentiel du documentaire dans la sauvegarde de la mémoire collective.

Des interprétations saluées, un cinéma incarné

Le festival a aussi mis en lumière des performances d’acteurs d’une rare intensité. Le prix de la meilleure actrice a été attribué à Clara Khoury pour son interprétation bouleversante d’une femme en quête de justice et de vérité. L’acteur tunisien Mohamed Amine Hamzaoui a, quant à lui, décroché le prix du meilleur acteur pour un rôle tout en retenue et en émotion. Ces distinctions soulignent la montée en puissance d’un jeu d’acteur arabe plus subtil, plus introspectif, en phase avec les nouvelles écritures cinématographiques. Le Wihr d’or du court métrage a couronné Mon nom est Amal, du réalisateur syrien Cherwan Hadji. Ce film empreint de poésie, retraçant la reconstruction d’une femme après la guerre, a profondément ému le public. En recevant son trophée, le cinéaste a dédié sa victoire «à toutes les femmes arabes qui portent l’espoir malgré les ruines», résumant à lui seul l’esprit de cette édition.

Une soirée de clôture entre faste et émotion

Sous les jeux de lumière dorés et rouges du Centre des conventions, la cérémonie de clôture s’est transformée en véritable célébration. L’Orchestre symphonique d’Oran a accompagné les entrées des lauréats, tandis que les applaudissements nourris du public ponctuaient chaque remise de prix. Artistes, producteurs, journalistes et invités du monde arabe ont partagé ce moment d’émotion collective. Dans les coulisses, on évoquait déjà de futurs projets de coproduction et des passerelles entre les cinémas arabes. Au-delà du faste, la soirée a mis en valeur la chaleur oranaise. Les échanges entre cinéastes et étudiants, les éclats de rire autour d’un café, les discussions passionnées sur les films primés : tout concourait à faire de cette clôture un symbole de convivialité et de partage, marque de fabrique du festival depuis sa création.

Oran, scène ouverte sur le monde

Cette 13? édition a réaffirmé la position d’Oran comme carrefour culturel du monde arabe. Sous le thème «L’image au service de la mémoire et du dialogue », le festival a proposé une sélection de films issus de plus de vingt pays, offrant un panorama inédit des réalités sociales et des imaginaires arabes. Dans les salles obscures, les projections faisaient salle comble ; dans les cafés et sur les terrasses, on commentait les œuvres vues la veille. Les rues adjacentes au Centre des conventions vibraient d’une atmosphère festive: files de spectateurs, affiches colorées, caméras, discussions animées. Pour beaucoup, le festival a permis de raviver le souffle culturel d’El Bahia, confirmant son rôle de passerelle entre l’Afrique du Nord et la Méditerranée. Des ateliers de formation, animés par des professionnels du secteur, ont également attiré de jeunes talents algériens et arabes, désireux d’apprendre les techniques de réalisation et d’écriture scénaristique. Ces rencontres ont nourri la dynamique d’un cinéma régional en quête d’identité et d’ouverture.

Une renaissance du cinéma

Dans son discours de clôture, le commissaire du festival a rendu hommage «au courage et à la créativité des cinéastes arabes», soulignant que cette édition 2025 «marque le retour d’un cinéma qui interroge, qui ose et qui émeut». Ses mots ont trouvé un écho particulier dans une région où la production cinématographique renaît difficilement, mais avec passion. L’édition 2025 restera sans doute celle du renouveau: une génération de jeunes réalisateurs y a affirmé une vision audacieuse, conjuguant ancrage local et ambitions universelles. En redonnant à Oran sa place dans le circuit des grands rendez-vous culturels, le festival a prouvé qu’au-delà du spectacle, le cinéma demeure un outil de dialogue et de mémoire. Lorsque la scène s’est couverte de confettis et que les applaudissements ont envahi la salle, une émotion partagée unissait artistes et spectateurs. Dans ce moment suspendu, le cinéma arabe semblait retrouver sa raison d’être: raconter le monde, éveiller les consciences et rallumer l’espérance. Et si le rideau est tombé, le souffle du festival, lui, continue d’habiter Oran. Dans les rues encore éclairées par les affiches des films, dans les discussions des cafés du Front de mer, dans les rêves des jeunes cinéastes, persiste cette lumière propre au septième art : celle d’un cinéma qui relie, qui se souvient et qui éclaire.

Yacine Redjami

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