Illusions et faux-semblants
Dans le cadre du vieux programme dit «100 locaux par commune» censé contribuer à la résorption du chômage, un nombre important de bâtiments, plutôt hideux et inadaptés à l’activité commerciale, ont été réalisés ici et là dans une précipitation et un aveuglement hallucinant.
Ce fut notamment le cas à la commune d’Oran où une parcelle de terrain au quartier HLM/USTO, destinée initialement à un ensemble sportif de proximité, a été détournée pour accueillir une « bâtisse de l’emploi des jeunes» aujourd’hui à moitié squattée par des groupuscules de jeunes, et moins jeunes utilisant les locaux comme espaces de stockage, dortoirs payants, ou lieu de «Kécha» pour «soirées arrosées».
Avec le temps, les jeunes de la cité ont fini par avaler leur colère et leur frustration d’avoir été privés d’un petit stade de football et de basket ayant pu permettre d’exprimer et pourquoi pas de révéler quelques talents cachés.
Ici, seuls les locaux du rez-de chaussée de la bâtisse sont exploités par un artisan-ferronnier, un opticien, un «vendeur d’eau douce», un épicier et un gargotier, ayant tous démoli la fenêtre du local pour créer un accès direct sur l’axe routier entre les HLM et le rond point des trois cliniques.
Ce qui risque, selon un architecte, de fragiliser la structure en béton de ce bâtiment construit à la hâte dans des conditions de «niveau d’implantation» et d’évacuation des eaux usées des plus aléatoires.
On a appris hier par la presse locale que les locaux inexploités du second et troisième étage de la bâtisse seront « recensés en vue d’être affectés à d’autres secteurs ».
Une annonce qui a vite fait le tour du quartier, faisant sourire les habitants qui se demandaient pourquoi fallait-il une « commission spéciale » pour répertorier ces locaux squattés ou abandonnés.
«Au lieu d’être affectés au départ aux jeunes chômeurs du quartier, ils ont été offerts à des amis, à des proches ou à des individus qui pouvaient payer la « rachwa » demandée… s’indignait un résident de la cité… Mais, ajoute-il, Dieu semble les avoir puni».
Ces locaux devaient être, en principe, attribués exclusivement à des jeunes ayant un savoir-faire ou une qualification professionnelle dans un domaine d’activité manuelle, artisanal ou de services bien défini dans les cahiers de charge.
La vente d’eau douce, d’eau de javel fabriquée sur place, ou de karantika ne faisaient sans doute pas partie des créneaux.
Selon des mauvaises langues connues au quartier HLM, il y aurait aujourd’hui des élus à l’APC d’Oran, anciens bénéficiaires de locaux pour emploi des jeunes, qui auraient intégrés des partis politiques et mis leur local à la disposition des campagnes pour les élections locales.
Pourquoi pas, pourrait-on dire, sauf que souvent, un parcours au passé scabreux peut être rattrapé par un présent truffé d’illusions et de faux-semblants… Ainsi va Oran.
Par S.Benali