Le vieux rêve des marchés dits «parisiens»
En mai 2014, il y a dix ans presque jour pour jour, le maire d’Oran en poste à l’époque, en tournée aux abords de la rue des Aurès, ex- la Bastille, avait été interpellé de façon brutale et insolente par un marchand se déclarant « propriétaire d’une table » installée sur ce marché de la Bastille très controversé.
«Ici c’est notre gagne-pain, et gare à celui qui tente de nous l’enlever…» avait lancé l’individu avec une arrogance et un ton menaçant. Pour lui, comme pour bien d’autres marchands, être «propriétaire» d’une table dans ce marché signifie la possession personnelle du bout du trottoir occupé pour cette activité.
Les services de l’APC avaient d’ailleurs bien du mal à percevoir les taxes légales liées à l’occupation des places de marché et des espaces publics communaux.
L’ancien premier magistrat de la ville, connu pour son attitude conciliante et sa grande retenue, était affecté par ce genre de comportement illustrant les contraintes et les difficultés devant être surmontées pour gérer et améliorer le cadre urbain.
Une indignation partagée par bon nombre d’Oranais qui dénonçaient une conjoncture politique et un environnement social contraignant pénalisant toute démarche d’assainissement et de bonne gestion du tissu urbain et du patrimoine municipal.
On se souvient que l’ancien maire avait l’ambition de créer à Oran des « marchés dits parisiens », des espaces de vente ouverts tous les matin à des marchands, légalement domiciliés, et qui auraient l’obligation de quitter les lieux en début d’après-midi pour laisser place aux services communaux chargés du nettoiement.
Ces espaces commerciaux de proximité ouverts en matinée sur une rue, une placette ou un grand trottoir public, seraient alors restitués aux citoyens et aux riverains jusqu’au lendemain matin. C’est là en tous cas une norme connue dans bon nombre de grandes villes à travers le monde .
Sauf pour la capitale oranaise, prise en otage par les inepties, le laxisme et l’incivisme chronique qui clochardise les espaces urbains.
La célèbre rue des Aurès (ex-La Bastille), qui abrite le plus ancien marché dit parisien de la ville d’Oran, était il y a très longtemps connue pour le respect des règles et des normes de fonctionnement de cette activité commerciale sur l’espace public communal.
Mais avec le temps, et les médiocres pratiques de gestion, cette ruelle servant de marché a été peu à peu saturée, défigurée et clochardisée par un hallucinant manque d’organisation et de maintenance urbaine élémentaire.
Depuis plus de trente ans, tous les responsables locaux de passage à Oran ont annoncé un transfert provisoire des marchands de la rue des Aurès vers un autre lieu de vente situé près de la place Hoche, afin de permettre le lancement d’un projet de réhabilitation et d’aménagement de cette célèbre rue de La Bastille.
Mais à ce jour, jamais le projet n’a pu être entamé. Notamment en raison de conflits d’intérêts, de pressions, et de menaces d’agitation lancées par des groupes de commerçants.
Une conjoncture qui imposait à l’époque aux décideurs locaux de veiller à la préservation du « calme et de la paix sociale » par tous les moyens !
L’échec et le renoncement allaient ainsi être consommés dans tous les domaines. Notamment en matière de gestion et de fonctionnement des anciens marchés couverts presque tous désertés par les marchands et de la prolifération des points de vente illicites et du squat des trottoirs par les marchands ambulants.
A la rue de la Bastille, où jadis le nombre de tables officiellement autorisées ne dépassait pas la soixantaine, on compte chaque jour pas moins de deux cents marchands, autorisés ou illicites qui s’entassent dans des conditions d’hygiène et de sécurité désastreuses.
Sans parler de l’état des lieux des immeubles fragilisés par le temps, des façades insalubres, des fuites d’eau usées, en un mot de la clochardisation avancée.
Comment éradiquer ce « point noir » en plein coeur d’Oran ? Comment délocaliser les marchands réticents ? Autant de questions qui restent posées depuis trop longtemps.
Jusqu’à quand?
Par S.Benali