Oran

Vieil Oran : plaidoyer pour un projet urbain

Dans une contribution publiée, avant-hier, sur les réseaux sociaux, Kouider Metaïr, ingénieur, ex-Vice-président en charge de l’urbanisme et du Centre-ville à l’APC d’Oran (2007-2012) et Président de l’association culturelle Bel Horizon, plaide en faveur de la mise en œuvre d’un véritable projet urbain à Oran.

«La dernière polémique autour des démolitions au quartier de Sidi El Houari, polémiques autant récurrentes que les démolitions, mettent en avant une question cruciale: Oran dispose-t-elle d’un projet urbain ?», s’interroge d’emblée ce militant du patrimoine oranais.
«Certes, le vieil Oran doit faire sa mue et se renouveler, mais il s’avère être le centre historique et, de ce fait, doit bénéficier d’une attention particulière, d’autant plus que, depuis 2015, il a été élevé au rang de secteur sauvegardé et a bénéficié d’une étude, chargée d’élaborer un plan de protection et de mise en valeur du secteur sauvegardé (PPMVSS), prévu par la loi n° 98/04, relative à la protection du patrimoine», rappelle Kouider Metaïr.
«C’est cette étude qui doit définir ce qu’il faut démolir, rénover, réhabiliter ou restaurer et produire les prescriptions pour les promoteurs ou propriétaires. Ces derniers pouvant même bénéficier d’une aide consistante de l’Etat pour réhabiliter leurs demeures», insiste-t-il.
«Durant le temps de l’étude, il y a un «sursis à statuer», c’est-à-dire que la délivrance de permis de démolir et de construire est suspendue. Si l’étude prend du temps, il se crée une situation intenable. Or, cette étude risque de prendre du temps, quand on sait que la 1ère phase a été présentée et adoptée, avec le diagnostic et les mesures d’urgence, et que la 2ème phase a été entamée et soumise à des réserves lors de sa présentation, au mois de novembre passé, au siège de l’APC d’Oran», poursuit-il.
«Cette étude est un travail d’envergure mais à faible budget (13 millions de DA). Même le service fait de la 1ère phase n’a pas été honoré par les pouvoirs publics, depuis des mois. Or si, au départ, un cercle vicieux s’installe, il fera perdurer l’étude, alors qu’il faut, au contraire, l’accélérer, en demandant à renforcer les effectifs, à payer, dans les délais les plus brefs, les travaux réalisés et, pourquoi pas, augmenter le budget de l’étude», analyse Kouider Metaïr.
Pour ce dernier, «le projet urbain est une planification urbaine, basée sur le retour de la ville sur elle-même, c’est-à-dire un aménagement d’espaces urbains existants. Le Projet urbain doit se faire en concertation avec les populations qui exprimeraient leurs besoins par divers canaux. Cette démarche doit mobiliser urbanistes, architectes, chercheurs en sciences sociales et divers corps de métiers», souligne ce militant. Et d’ajouter : «C’est aussi un plan d’embellissement, qui allie architecture et urbanisme. Une charte urbaine ne serait pas de trop, avec une protection des arbres et paysages remarquables. La toponymie doit être revue et diversifiée, reprenant la profondeur historique, plus que millénaire, de notre cité et de son environnement méditerranéen».

Pour une large concertation

Pour Kouider Metaïr, «la promotion immobilière, au sein du tissu urbain, doit respecter les critères et notamment le prospect (rapport entre la hauteur de l’immeuble et la largeur de la rue). Le Projet urbain se doit de prendre en charge toutes ces problématiques, en engageant l’ensemble des acteurs en lien direct avec la ville ; autorités, élus, experts, organismes spécialisés et représentants des populations des différents quartiers dans un cadre de concertation à définir, sous forme d’un séminaire d’une ou deux journées pour les recommandations générales, suivi de mise en propositions concertées de projets à réaliser dans chaque secteur urbain et qu’animerait un comité local».
Kouider Metaïr pose plusieurs questions au débat: «Quand faudra-t-il reprendre et concrétiser complètement notre proposition d’extension de la place du 1er Novembre ? Avec un espace arboré en lieu et place des inutiles blocs en granit actuels, une récupération des fossés du Rosalcazar, du ravelin et son réduit, l’aménagement d’un accès supplémentaire à la promenade Ibn Badis. Et le projet de réhabilitation des 600 immeubles ? Et la requalification du marché de la Bastille ? Et le vaste terrain de la défunte Scaléra ?»
«Comme on peut le constater, notre ville offre des opportunités en plein centre urbain (ce qui est rare actuellement). Sachons saisir cette «opportunité oranaise», qui ne se présente qu’une fois par siècle, et laissons l’empreinte de notre génération ; des réalisations esthétiques avec des repères urbains et non pas des bâtiments rébarbatifs, comme cet immeuble dit de Karguentah qui a été construit en lieu et place d’un marché Art Nouveau, ou encore, en guise d’hôtels, ces immeubles type crayons de couleurs, dressés effrontément sur le Front de mer», déplore-t-il.
«Nous n’avons pas su mettre à profit nos jumelages avec les villes qui ont acquis un savoir-faire dans ce domaine. Exit les conférences, séminaires et ateliers sur la ville, le lien avec l’université et les chercheurs, les associations innovantes et les revues scientifiques», regrette Kouider Metaïr. Et de conclure: «Nous avions, depuis plus d’une dizaine d’années, fait une douzaine de propositions à l’échelle de la ville, fruits de nos ateliers croisés. Certaines ont connu un début de concrétisation, d’autres non. Cependant, ceci ne saurait remplacer un projet urbain. Les autorités qui réaliseront ce rêve de projet urbain entreront dans l’Histoire urbaine de notre cité et serviront d’exemples aux prochains bâtisseurs pour poursuivre une évolution harmonieuse et non chaotique comme vécu ces dernières décennies».

Imad T

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