EDITO

8 mai 1945 : la commission de tous les espoirs

L’Algérie a commémoré, hier, le 78ème anniversaire des massacres du 8 mai 1945, dans un contexte d’apaisement des relations entre les deux pays, notamment dans leur volet mémoriel. La commission mixte d’historiens algériens et français qui planche sur le dialogue des mémoires s’est réunie pour la première fois et s’emploiera bientôt grâce aux archives à mettre en lumière les méfaits d’une colonisation barbare . Le contexte est donc, disons-le, positif et se prête à ce que Algériens et Français discutent de cette page d’histoire loin de l’hystérie des nostalgiques de l’Algérie française. Le débat prendra la direction académique avant de revenir vers les sociétés qui en tireront la seule conclusion qui soit, à savoir que la colonisation était une affreuse entreprise de déculturation qui n’a heureusement pas réussi.

L’Histoire est une succession de faits et d’événements, et dans l’Algérie, il y a une série d’horribles massacres qui expliquent le déclenchement de la guerre de libération nationale. Les manifestations pacifiques du 8 mai 1945 constituent l’ultime séquence qui a fait mûrir le recours aux armes pour arracher l’indépendance du pays. Ces manifestations sont entrées dans l’Histoire de l’Algérie en raison de la férocité inhumaine de la répression coloniale. Si 78 années après, on en parle encore, c’est parce que le traumatisme a traversé les générations. La France d’aujourd’hui qui reconnaît un massacre d’Etat, sur plusieurs jours perpétrés avec méthode par une soldatesque qui traînait plus d’un siècle de barbarie, se doit de regarder en face son passé honteux en Algérie. Il n’est pas question de rendre responsables les Français d’hier et d’aujourd’hui de l’horreur coloniale, mais d’identifier les acteurs des massacres, dont celui du 8 mai 1945. Des dizaines de milliers de crimes racistes ont été commis par des colons haineux, des soldats de l’armée française et des policiers. L’Etat français en porte la responsabilité. Il est important qu’il le reconnaisse.

Les pouvoirs successifs à Paris connaissent pertinemment la gravité des crimes coloniaux, mais ne le disent pas à haute voix par calcul politicien, le plus souvent. Il est indéniable que la communication politique de ce pays n’est pas très nette, notamment sur cette question précisément. L’on sent bien cette tendance à la « glorification » d’un passé pourri, non pas dans les discours des politiques, mais dans les travaux audiovisuels que l’on a produit tout au long des 60 dernières années. Cela changera-t-il ? La réponse à cette interrogation pourrait être positive, car la donne mémorielle algéro-française s’est enrichie de cette commission mixte d’historiens sur laquelle beaucoup d’espoirs sont fondés. Les prochains mois et années seront donc décisives et l’on pourra fermer le dossier de la brouille historique entre Alger et Paris.

Par Nabil.G

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