Scandale de corruption au Parlement européen : l’ex-eurodéputé Panzeri enfonce le Maroc
Des sommes d’argent d’un total d’au moins 180.000 euros, en plus de cadeaux et de voyages, ont été offerts par le régime du Makhzen pour soudoyer des eurodéputés en échange d’un soutien électoral au Parlement européen, selon des aveux de l’ex-eurodéputé Pier Antonio Panzeri obtenus par la justice belge, dans le cadre de l’enquête sur le scandale de corruption ayant éclaboussé l’institution continentale et dans lequel le Maroc est notamment impliqué.
Accompagné d’un avocat et d’un traducteur, l’ex-eurodéputé a commencé à tout déballer devant les enquêteurs de l’Office central pour la répression de la corruption (OCRC).
En effet, de sa bonne collaboration dépend l’approbation en fin d’enquête de son mémorandum de « repenti » signé avec le parquet fédéral belge en janvier.
Dans des révélations fracassantes dévoilées par Le Soir, Knack et La Repubblica qui ont mis la main sur des comptes rendus des auditions datées des 2 et 13 février, ainsi que d’autres documents issus du dossier d’instruction, Panzeri évoque notamment ses liens avec l’ambassadeur du Maroc en Pologne, Abderrahim Atmoun.
Selon ses aveux, le Maroc a versé au moins 180.000 euros -en plus de cadeaux et de voyages- à plusieurs eurodéputés pour les amener à s’aligner sur ses thèses lors de l’adoption de différents textes au Parlement européen.
Il a raconté qu’en 2009, alors qu’il venait d’être réélu au Parlement européen, il s’impose vite comme un des visages clefs de la diplomatie européenne à Rabat.
Le chemin de l’Italien, président de la délégation pour les relations avec les pays du Maghreb et co-président de la commission parlementaire mixte UE-Maroc, croise rapidement celui d’Abderrahim Atmoun.
Parlementaire depuis 2003, partagé entre le Maroc et la France, maîtrisant également l’italien, Atmoun hérite lui aussi, dès 2011, de la coprésidence de la commission parlementaire mixte.
« De cette relation de travail est née une amitié », a confié en audition Antonio Panzeri.
Et de préciser qu’Atmoun n’a pas hésité, peu avant le scrutin européen de 2014, à privatiser – pour une somme estimée à 50.000 euros – un club de jazz milanais afin d’y rassembler la diaspora marocaine votant en Italie.
Entre janvier et février 2017, Panzeri troque la présidence de la délégation Maghreb pour celle de la sous-commission des droits de l’Homme.
Ce qui ne l’empêche pas de continuer à cultiver de bons rapports avec Abderrahim Atmoun et le royaume chérifien.
Du cash « en veux-tu en voilà »
Entre 2017 et la fin de son mandat en juillet 2019, il a ainsi été convié à quelques reprises à Casablanca et Marrakech, explique-t-il aux enquêteurs.
Avec une pensée particulière pour ce séjour d’une semaine qu’il aurait passé sur invitation à La Mamounia, l’hôtel le plus prestigieux du pays, avec quelques amis, dont son assistant parlementaire Francesco Giorgi et la compagne de ce dernier, la désormais ex-vice-présidente du Parlement européen, Eva Kaili.
En mai 2019 cependant, Antonio Panzeri n’est pas réélu.
Il immatricule à Bruxelles l’association sans but lucratif « Fight Impunity » et continue à nourrir ses bonnes relations avec le régime du Makhzen.
Mais ce dernier entend se rapprocher parallèlement d’eurodéputés en exercice.
Panzeri aurait notamment glissé à son ami Atmoun, ressort-il encore des auditions, les noms de Brando Benifei, Alessandra Moretti, Andrea Cozzolino et d’un quatrième parlementaire.
Selon Antonio Panzeri, ces quatre parlementaires se seraient fait représenter par leurs assistants respectifs lors d’une réunion organisée à Rome par Abderrahim Atmoun.
Quelques mois après son départ du Parlement européen « en octobre ou novembre » 2019, l’audition fait ressortir que Panzeri et celui qui fut longtemps son assistant, Francesco Giorgi ont organisé une rencontre avec Atmoun dans un restaurant bruxellois, proche du domicile de Panzeri.
« Nous avons longuement discuté, il a été décidé de nous rétribuer en cash. Il a été décidé de nous donner 50.000 euros chacun, chaque année ».
Antonio Panzeri admet alors avoir reçu 20.000 euros dans une chambre d’hôtel pour le trimestre en cours, son collaborateur Giorgi devant se contenter de la moitié et d’un voyage offert au Maroc.
En juin 2021, les deux ressortissants italiens vont jusqu’à Paris en voiture – où Atmoun, qui est devenu ambassadeur du Maroc en Pologne, a des attaches – et reviennent avec 50.000 euros en coupures de 50 et 100 euros.
Et en octobre 2022, ils effectuent un nouveau déplacement à Paris mais le trajet se fait cette fois en train à grande vitesse.
Antonio Panzeri et Francesco Giorgi, explique encore le premier en audition, reçoivent chacun 25.000 euros.