Abdelkader Alloula : dans les cœurs et la mémoire des Oranais reconnaissants
Trente et un ans jour pour jour se sont écoulés depuis le lâche attentat du jeudi 10 mars 1994 qui avait ciblé le grand dramaturge Abdelkader Alloula alors qu’il sortait de chez lui pour se rendre à la maison de la Culture où il devait prononcer une conférence sur le théâtre. Dans son cartable, il y avait deux livres: le Petit Organon de Brecht et la Poétique d’Aristote.
Abdelkader Alloula a laissé derrière lui une œuvre authentique marquée par le réalisme exceptionnel d’un Homme honnête, franc et généreux envers lui-même et envers la société. El Khobza, Homk Salim et sa célèbre trilogie El Goual (1980), El Ajouad (1984) et Litham (1989) restent les chefs d’œuvres les mieux connus de son riche répertoire théâtral. Un répertoire qui constitue un miroir au travers duquel se réfléchit l’image de la société, la sienne. Avec des personnages puisés de la réalité d’un Oran populaire qui n’a pas la « langue dans la poche », Alloula a manié avec bonheur l’art de l’allusion et de la dérision dans son théâtre populaire parfois porté sur la «Halqua» où le récit prime sur l’action, et où les spectateurs font cercle autour du conteur.
Dans une splendide langue populaire, il a fustigé tout ce qui le révoltait: de l’accaparement illicite des richesses du pays, aux anciens arrogants gouvernants éloignés des aspirations des plus humbles, Alloula fut inlassablement l’ennemi des arrivistes et des parvenus enrichis par la prédation, des trafiquants, des profiteurs et des faux dévots cachés sous le burnous du « nationalisme » ou le «Qamis du religieux».
Le défunt Alloula a été, on le sait, celui qui a forgé l’art dramatique en Algérie en tant qu’outil d’engagement social à travers des messages mobilisateurs et un vocabulaire puisé dans les profondeurs de la mémoire populaire et du patrimoine historique.
Il faisait parler le travailleur, le jeune chômeur, la femme opprimée, ou le démuni, avec des verbes percutants et des métaphores sublimes qui condensent en elles toutes les colères populaires nourries par des décennies de laxisme, de «Hogra» et de fausses gestions. Pour les spécialistes de l’art dramatique, Alloula reste un innovateur qui a réussi à produire «une matière scientifique importante pour les chercheurs et étudiants du théâtre algérien». Alloula à indéniablement contribué à forger «le legs culturel et civilisationnel inscrit au patrimoine de la nation algérienne».
On se souvient que l’an dernier, à l’occasion du 30e anniversaire du décès du grand dramaturge, le Théâtre régional d’Oran (TRO) avait organisé dès le 1er mars 2024, une grande manifestation artistique intitulée «un mois théâtral en hommage à Abdelkader Alloula». Cette année 2025, l’hommage à Alloula semble quelque peu occulté par les manifestations musicales et théâtrales organisées durant les soirées du mois de Ramadhan sacré. Mais Abdelkader Alloula restera toujours dans les cœurs et la mémoire des Oranais reconnaissants
Par S.Benali